La CIDH saisit la Cour IDH de l'affaire du Venezuela pour détention illégale et atteinte à la santé d'un défenseur des droits de l'homme

2 février 2024

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Washington, D.C. - La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a présenté l'affaire 14.168 du Venezuela devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme (Cour IDH) le 20 décembre 2023 pour la détention illégale et arbitraire et les atteintes à la santé du défenseur des droits de l'homme Carlos Enrique Graffe Henríquez, ainsi que pour les violations des garanties judiciaires et de la protection judiciaire dans la procédure engagée à son encontre.

Carlos Graffe, défenseur des droits de l'homme, a participé au mouvement étudiant vénézuélien en 2007 et a fondé l'association ASOESFUERZO en 2008, axée sur la défense de l'initiative privée, de la liberté d'entreprise, des libertés économiques et de la propriété privée. Il a également créé la fondation Futuro Presente et l'organisation Un Mundo Sin Mordaza pour défendre la liberté d'expression et dénoncer les violations des droits de l'homme au Venezuela.

Le 7 juin 2017, Diosdado Cabello, alors député, a qualifié, lors de l'émission télévisée « Con el Mazo Dando », M. Graffe de « terroriste » responsable de certains actes de violence dans le lotissement « La Isabelica », à Valencia. Par la suite, le 13 juillet 2017, M. Graffe a été arrêté par des agents de l'État sans mandat et sans être en situation de flagrance. Il a été accusé d'instigation à la rébellion et de vol de biens militaires et soumis à une procédure judiciaire militaire.

M. Graffe a été détenu au Centre national des prisonniers militaires de Ramo Verde et placé en isolement, dans des conditions inhumaines, et n'a pas pu recevoir la visite de ses proches. Malgré son état de santé, dû à une précédente opération du rein, il n'a reçu aucun soin médical. La demande d'intervention du Défenseur du peuple pour garantir les soins médicaux et permettre les visites de la famille est restée sans réponse. Le 15 novembre 2021, des mesures conservatoires ont été adoptées pour remplacer la privation de liberté par d'autres restrictions.

Dans son rapport n° 341/22 sur la recevabilité et le fond, la Commission a conclu que la détention de Carlos Graffe était illégale en raison de l'absence de mandat d'arrêt ou d'une situation de flagrance au moment de la détention, et a estimé qu'elle était similaire à des cas de criminalisation de défenseurs des droits de l'homme dans la même période. En outre, la Commission a observé que la détention préventive de M. Graffe a été ordonnée par un tribunal militaire, qui n'était pas compétent, et qu'elle n'était pas suffisamment motivée, et qu'elle était donc arbitraire.

En ce qui concerne les droits à l'intégrité de la personne et à la santé, la CIDH a noté que M. Graffe avait subi des traitements cruels, inhumains et dégradants pendant sa détention en isolement, sans ventilation, sans la lumière du jour et sans services sanitaires et hygiéniques adéquats. De même, l'absence de soins médicaux de la part de l'État a eu des conséquences permanentes sur sa santé.

La Commission a également considéré que la procédure pénale contre M. Graffe violait les droits aux garanties judiciaires et à la protection judiciaire, en particulier le droit à une autorité compétente, indépendante et impartiale, ainsi que le droit à un recours judiciaire adéquat et effectif.

La Commission a aussi souligné que les atteintes à l'encontre de M. Graffe étaient liés à son travail de défenseur des droits de l'homme, et qu'ils avaient pour but de le stigmatiser et de l'intimider afin d'entraver son travail, et a donc conclu que l'État était responsable de la violation du droit à la protection de l'honneur et de la dignité et du droit à la liberté d'expression.

Sur la base des constatations de fait et de droit, la Commission a conclu que l'État est responsable de la violation des droits à l'intégrité de la personne, à la liberté individuelle, aux garanties judiciaires, à l'honneur et à la dignité, à la liberté d'expression, à la protection judiciaire et à la santé, établis aux articles 5.1, 5.2, 7.1, 7.2, 7.3, 7.4, 7.5, 8.1, 11, 13, 25.1 et 26 de la Convention américaine, en relation avec les articles 1.1 et 2 de ce même instrument. L'État est également responsable de la violation des articles 1, 6 et 8 de la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.

La Commission a recommandé que l'État prenne les mesures de réparation suivantes :

  1. Réparer intégralement les violations des droits de l'homme déclarées dans le rapport, sur le plan matériel et non matériel, en accordant une compensation financière et des mesures de satisfaction.
  2. Fournir des soins de santé physique et mentale pour la réhabilitation de Carlos Enrique Graffe Henríquez, de manière concertée.
  3. Mener des procédures pénales, administratives ou autres de manière impartiale, efficace et dans un délai raisonnable afin de clarifier les faits et d'établir les responsabilités.
  4. Mettre fin immédiatement à toutes les mesures de privation de liberté qui affectent encore Carlos Enrique Graffe Henríquez, en annulant complètement la procédure pénale militaire et en supprimant son casier judiciaire.
  5. Mettre en œuvre des mesures de non-répétition, y compris les modifications législatives nécessaires, afin que la juridiction pénale militaire ne soit appliquée que pour juger le personnel militaire pour des crimes contre le droit militaire.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 028/24

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