CONSEIL
PERMANENT DE L’ORGANISATION DES
ÉTATS AMÉRICAINS
OEA/Ser.G
GT/CDI-2/01
add. 9
13
août 2001
Original:
espagnol
Groupe
de travail chargé d’étudier le
projet
de Charte démocratique interaméricaine
COMMENTAIRES
ET PROPOSITIONS DES ÉTATS MEMBRES
À
PROPOS DU PROJET DE CHARTE DÉMOCRATIQUE INTERAMÉRICAINE
Venezuela
MISSION
PERMANENTE DU VENEZUELA
PRÈS
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
Washington,
D.C.
OEA-315
le
13 août 2001
La Mission permanente du Venezuela adresse ses compliments au
Secrétariat du Conseil permanent de l’Organisation des États Américains
et a l’honneur de lui acheminer, ci-joint, le document intitulé: Propositions
du Venezuela à propos du Projet de Charte démocratique interaméricaine.
La
Mission permanente du Venezuela prie ce Secrétariat de bien vouloir
publier et distribuer, dans les langues officielles de l’OEA, le
document susmentionné ainsi que ses annexes, et pour ce faire, elle
se permet de lui faire parvenir une disquette contenant les documents
cités.
La
Mission permanente du Venezuela près l’Organisation des États Américains
saisit l’occasion pour renouveler au Secrétariat du Conseil
permanent de l’Organisation des États Américains l’assurance de
sa très haute considération.
TABLE
DES MATIÈRES
1.
Propositions du Venezuela à propos du Projet de Charte démocratique
interaméricaine
ANNEXES
II.
Discours prononcé par le Ministre des affaires étrangères de
la République bolivarienne du Venezuela, Luis Alfonso Dávila García,
à la XXXIe Assemblée générale de l’OEA, à San José, le 3 juin
2001.
III.
Intervention du Représentant permanent du Venezuela près
l’OEA, l’Ambassadeur Jorge Valero, devant le Conseil permanent, le
21 mai 2001.
IV.
Intervention du Représentant permanent du Venezuela près
l’OEA, l’Ambassadeur Jorge Valero, devant le Conseil permanent, le
29 mai 2001.
Mission
permanente du Venezuela
près
l’Organisation des États Américains
PROPOSITIONS
DU VENEZUELA À PROPOS DU
PROJET
DE CHARTE DÉMOCRATIQUE INTERAMÉRICAINE
Le
gouvernement du Venezuela, par l’intermédiaire du Ministère des
affaires étrangères, a institué une Table du dialogue dans le but de
prendre le pouls des secteurs les plus divers de la société vénézuélienne
à propos de la Charte démocratique interaméricaine. De ce fait, ce
document reflète la volonté collective d’un peuple – le peuple vénézuélien
– qui est aujourd’hui le protagoniste et le témoin d’un processus
révolutionnaire sans précédent, de nature pacifique, qui se déroule
dans un cadre démocratique et s’inspire des principes les plus avancés
et les plus progressistes du monde, consacrés dans sa constitution.
Le Venezuela souhaite apporter sa contribution aux thèmes spécifiques
mentionnés ci-après:
I.
LA DÉMOCRATIE DANS LE CONTINENT AMÉRICAIN
II.
LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS DE L’HOMME
III.
LA DÉMOCRATIE ET LA PARTICIPATION
IV.
LA DÉMOCRATIE, L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
V.
LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS DE LA FEMME
VI.
LA DÉMOCRATIE ET LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ
VII.
LA CLAUSE DÉMOCRATIQUE
VIII.
LA CHARTE DÉMOCRATIQUE EST-ELLE UNE RÉSOLUTION OU UN PROTOCOLE
PORTANT MODIFICATION?
IX.
AUTRES MODIFICATIONS OU ADDENDA
I.
LA DÉMOCRATIE DANS LE CONTINENT AMÉRICAIN
La
meilleure définition de la démocratie a été donnée par le grand
homme des Amériques, le libérateur Simon Bolivar, dans le discours
qu’il a prononcé à Angostura, en 1819, où il a dit :
« Le système de gouvernement le plus parfait est
celui qui produit la plus grande quantité possible de bonheur, la
plus grande quantité de sécurité sociale et la plus grande quantité
de stabilité politique ».
La
démocratie, comme l’affirmait Winston Churchill, n’est pas un
système de gouvernement parfait, mais c’est celui qui se rapproche
le plus de la perfection. La démocratie – indéniablement – est
un système qui permet de rechercher en permanence le perfectionnement
de celle-ci dans le cadre de la dynamique sociale, qui est capable
d’apporter des réponses et de mettre en place des solutions créatives
aux besoins fondamentaux des peuples.
La
démocratie, en tant que valeur partagée et projet de la société,
s’est établie avec une vigueur renouvelée dans le Continent.
Pendant la guerre froide, l’exercice effectif ou l’absence du régime
démocratique, a été bien souvent subordonné aux intérêts de la
politique des grandes puissances en matière de sécurité.
C’était
une époque où certains dirigeants invoquaient le dossier de la
souveraineté lorsqu’on les accusait de ne pas être démocratiques
et de violer les droits de la personne. Dans cette atmosphère
d’affrontement bipolaire, non exempte de réductionnisme, il était
difficile de défendre les principes démocratiques car on considérait
que la forme de gouvernement était une question qui relevait de
chaque pays. Maintenant, au contraire, la défense de la démocratie
et la lutte contre les adversaires de celle-ci sont au nombre des
objectifs du Système interaméricain.
Depuis
1948 – année de la fondation de l’OEA – l’histoire a parcouru
un long chemin pendant lequel la bonne gouvernance a été mise à
l’épreuve : il y a eu des autoritarismes indésirables et des
démocraties rédemptrices ; des libertés amputées et des conquêtes
libertaires. Nous vivons des moments propices à la réflexion,
propices à l’examen des réalisations et des lacunes.
Dans
les années quatre-vingts, les dictatures militaires et les régimes
autoritaires ont été remplacés, l’un après l’autre, en Amérique
latine, par des mouvements politiques et sociaux combatifs qui sont
parvenus à mettre en place des régimes pluralistes qui accordent une
importante particulière au respect des libertés fondamentales et aux
droits de la personne. La démocratie s’est installée, avec une
force stimulante, dans presque tous les confins du Continent. Pourtant,
la démocratie, en tant que projet politique, peut s’écrouler.
En
ce moment précis de l’histoire du Continent, le triomphe de la démocratie
n’est pas définitivement assuré. L’échec des modèles économiques,
la corruption, l’esprit de parti poussé au paroxysme, le mécontentement
populaire devant les inégalités et les injustices criantes,
l’exclusion sociale et le manque de participation politique des
citoyens, tout cela peut perturber la stabilité de nos gouvernements.
D’intéressantes expériences politico-démocratiques, qui sont le résultat
du vote populaire, peuvent perdre leur légitimité du fait de leur échec
dans le domaine économique et politique et de la dégradation de la
morale.
Les
élections ont donné à certains gouvernements des façades démocratiques
mais bien souvent ces gouvernements avaient pour objectif principal de légitimer
les intérêts de l’élite politique et économique. Des élections,
oui. L’alternance au pouvoir, oui. Le pluralisme, oui. Mais ce n’est
pas suffisant. La démocratie doit aller au-delà de l’acte électoral,
elle doit créer des mécanismes qui permettent que la participation de
tous les acteurs sociaux et politiques – sans la moindre exclusion –
soit une réalité quotidienne. De même, elle doit avoir un contenu
social avancé.
Les
progrès de la démocratie, dans les Amériques, n’ont pu être stoppés
et ils se sont accélérés au cours de ces deux dernières décennies.
Dans
tout le Continent, d’ignominieuses dictatures militaires et d’odieux
autoritarismes ont été remplacés par des gouvernements élus par le
peuple.
Nous
vivons des jours inouïs. Nous assistons à une floraison démocratique
dans un monde qui, avec la fin de la Guerre froide, offre des possibilités
fantastiques d’avancer dans la voie de la conquête de nouveaux
espaces, encore plus vastes, pour la liberté et la dignité humaines.
Mais, nous vivons aussi des jours dramatiques quand nous voyons la montée
de nouveaux conflits de nature politique, ethnique, territoriale,
culturelle, religieuse, qui sapent les fondements de la paix et la
coexistence internationale. Et nous vivons aussi des jours calamiteux,
car la pauvreté est un fléau qui touche des millions d’êtres
humains.
La
démocratie, en tant qu’ensemble de principes, a forgé les plus
grands destins et inspiré les combats des peuples qui cherchent la paix,
l’égalité et la liberté. La démocratie, en tant qu’utopie, a
allumé des espoirs rédempteurs. Les combats livrés pour la défendre
et la perfectionner, la volonté de l’exercer pleinement, voilà un défi
fascinant pour ceux qui se proposent de faire de la démocratie une réalité.
Le
Venezuela jouit actuellement d’un régime démocratique, non seulement
parce que le texte constitutionnel qui le régit l’a établi ainsi,
mais, surtout, parce ceux qui exercent le pouvoir ont converti les
principes démocratiques en une pratique quotidienne, en une manière de
concevoir et de développer la coexistence des êtres humains.
Affronter
la dette sociale, lutter contre la pauvreté, préserver le patrimoine
naturel et culturel constituent des défis auxquels les gouvernements démocratiques
de la région ne peuvent renoncer. Tel est l’engagement qu’a pris le
gouvernement du Venezuela. Le Président Hugo Chávez dirige un
processus révolutionnaire stimulant, qui est démocratique de par sa
nature libertaire, pacifique du fait des moyens qu’il utilise et
populaire du fait de l’esprit de justice qui l’inspire.
La
démocratie qui règne actuellement au Venezuela a coûté bien des
souffrances et des sacrifices. La constitution bolivarienne, qui est le
résultat de débats vastes et participatifs et a été adoptée par référendum,
consacre les principes les plus avancés et les plus humanistes de la législation
contemporaine.
Au
Venezuela, nous vivons aujourd’hui un véritable processus démocratique.
Processus qui est, en essence, antiautoritaire. Le Président Hugo Chávez
est lui-même un parfait paradigme de l’anti-autoritarisme. Nous
n’avons pas connu, dans l’histoire récente de notre pays – depuis
le mandat gouvernemental d’Isaías Medina Angarita (1941-1945) – de
gouvernement plus démocratique que celui que connaît actuellement la
nation vénézuélienne.
Le
Projet de Charte démocratique, qui fait actuellement l’objet de débats
à l’OEA, à l’article 3, considère comme éléments essentiels de
la démocratie :
·
la
tenue d’élections libres et justes
·
l’accès
au pouvoir par des moyens constitutionnels
·
le
régime plural des partis et des organisations politiques
·
le
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Tous
ces éléments sont pleinement en vigueur au Venezuela. Nous respectons
de manière absolue, et plus que jamais, les libertés fondamentales.
L’opposition politique a la possibilité de s’exprimer
– sans aucune limitation – dans tous les moyens de
communication.
Le
gouvernement permet à l’opinion populaire de s’exprimer librement.
Les frustrations qu’a éprouvées le peuple vénézuélien au cours de
ces dernières décennies sont nombreuses. Face aux protestations, nous
faisons intervenir le dialogue et – il faut le souligner – nous procédons
de manière anti-autoritaire. Le gouvernement s’est fixé comme norme
permanente de régler les conflits sociaux par des moyens pacifiques.
Deux
années de mandat présidentiel se sont déjà écoulées et il n’y a
pas de prisonniers politiques. Pas un seul journal n’a été fermé.
Les opposants politiques exercent leur droit de critique sans
restrictions. Le Président Hugo Chávez et le gouvernement éprouvent,
comme on peut le voir en tout moment et en toute transparence, le plus
grand respect pour la liberté d’expression, pour les
critiques et pour les droits des opposants politiques.
II.
LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS DE L’HOMME
Il
faut examiner les valeurs et les principes fondamentaux de la démocratie
à la lumière des nouvelles réalités de notre époque : la
guerre froide n’existe plus, les totalitarismes anachroniques ont été
jetés dans les oubliettes de l’histoire, d’ignominieuses
dictatures battent en retraite. Nous assistons – fort heureusement
– à la renaissance et à l’expansion des libertés démocratiques.
Le respect des droits de l’homme a été consacré dans la législation
de tout le Continent. Le Système interaméricain qui s’occupe de
cette question, a été accepté comme indispensable par tous les
gouvernements qui composent ledit Système. Voilà les traits caractéristiques
de cette nouvelle ère.
Bien que les progrès démocratiques soient incontestables, les
agressions qui sont encore commises contre les secteurs populaires et
contre les groupes les plus vulnérables de la société sont encore
très nombreuses, ce qui montre bien que les droits de l’homme
peuvent être violés, même quand les gouvernants ont été élus au
suffrage populaire.
La démocratie et les droits de l’homme sont deux éléments
qui se renforcent et se conditionnent mutuellement. L’observation
pleine et entière de ces droits est le principal défi que doit
relever un gouvernement démocratique.
Les libertés fondamentales, telles que la liberté
d’expression et son exercice, forment l’une des catégories de ces
droits. Une autre catégorie est la protection que mérite le citoyen
contre des abus de toutes sortes: nul ne peut être arrêté
arbitrairement, ni être soumis à des tortures ou à des mauvais
traitements portant atteinte à sa dignité. Un troisième type de
droits – ce sont ceux qui revêtent la plus grande importance dans
la région et qui sont souvent violés – a trait à la satisfaction
des besoins élémentaires qui garantit à tous les groupes sociaux
des conditions de vie justes et dignes.
La
garantie universelle et indivisible des droits de la personne, et il
faut mettre au tout premier plan de ceux-ci le droit à la vie et à
la justice sociale, est une composante intrinsèque d’un État de
droit et un objectif auquel il ne peut renoncer, car elle est
consubstantielle aux aspirations des peuples du Continent.
Le
Venezuela souhaite généraliser à tous les citoyens, sans
distinction de position sociale, d’ethnie, de nationalité ou de
croyance religieuse, l’exercice effectif des droits de la personne
afin qu’ils puissent se sentir protégés et être sûrs que leur
dignité sera respectée. C’est pourquoi son gouvernement a pris la
détermination inébranlable de garantir que toute violation de ces
droits fera l’objet d’une enquête, que ses auteurs seront punis
et que ses victimes obtiendront une réparation juste et nécessaire.
La
constitution bolivarienne a incorporé les nouveaux concepts qui ont
vu le jour ces dernières années dans le droit international afin
d’être en harmonie avec les besoins de justice sociale et les
prescriptions des conventions et des traités internationaux ratifiés
par le Venezuela. Ces nouveaux concepts ont été inclus dans notre
constitution, leur donnant ainsi hiérarchie constitutionnelle. Ils
doivent être appliqués immédiatement et directement par les
tribunaux et les autres organes du pouvoir public.
Bien
que la question des droits de la personne soit la plus importante de
toutes celles qui font actuellement l’objet de discussions dans le
Continent américain, nous ne sommes pas encore parvenus à
sensibiliser tous les gouvernants en place à cette problématique.
Les
droits de l’homme et leur exercice sont à la base de tout système
politique préconisant la concorde, le pluralisme, la justice et la
tolérance. Ils constituent le baume qui régénère le tissu des États,
des sociétés et de leurs ordres juridiques et politiques respectifs.
Nombreux
sont les obstacles qui se dressent contre la consolidation d’une culture
de la paix, et par là-même, contre une culture des droits de
l’homme, qui n’est autre que la culture démocratique dans le
cadre de laquelle ces droits acquièrent leur validité et s’épanouissent.
Parallèlement au renforcement des expériences démocratiques, à la
recherche laborieuse de la liberté et à la renaissance d’une prise
de conscience au niveau mondial de la dignité de la personne humaine,
de l’organisation publique de notre époque – interne et
internationale – de graves erreurs qui ont une incidence négative
sur les garanties indispensables à l’exercice effectif de ces
droits subsistent encore.
Sans
respect des droits de l’homme, on ne peut parler de liberté.
Sans respect des droits de l’homme, on ne peut parler de démocratie.
Sans respect des droits de l’homme, la démocratie perd tout
son sens en tant que forme de vie et expression suprême de l’éthique
sociale. Sans respect des droits de l’homme, les espaces
propices au dissentiment destructeur, à l’agitation des consciences
se multiplient. Le Pape Jean-Paul II affirme : « Tout ce qui
protège les droits de l’homme, tout ce qui promeut la dignité par
le biais du développement intégral convient à la paix ».
Les
acquis que nous a légués la Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948, la confirmation de ceux-ci à titre obligatoire
avec les Pactes internationaux de 1966, la ratification, à Vienne, du
caractère universel et interdépendant de tous les droits reconnus,
la Charte de l’OEA et la Convention interaméricaine relative aux
droits de l’homme (Pacte de San José), en 1969, nous donne la
mesure exacte de l’ordre humain, perfectible et adapté aux
exigences futures. Mais si nous aspirons à ce que les droits de la
personne soient quelque chose de plus qu’un ensemble de nobles prérogatives,
bien souvent sans aucun fondement dans la réalité, ils ne peuvent
pas être séparés de la pratique démocratique. Et ceci engage, sans
exception, tous les membres de la société interaméricaine.
C’est
pour cette raison que la Charte démocratique doit devenir un document
fondamental propre à dynamiser les droits de l’homme et à relancer
la démocratie dans le Continent.
La
Convention américaine relative aux droits de l’homme, adoptée par
la Conférence interaméricaine sur les droits de l’homme, qui
s’est tenue à San José, Costa Rica, en 1969, prévoit que les États
parties sont dans l’obligation d’adopter des normes
constitutionnelles et législatives pour que ces droits deviennent
effectifs.
La
constitution vénézuélienne précédente, qui datait de 1961,
consacrait les garanties fondamentales de la personne, mais celles-ci
étaient présentées comme une énumération programmatique et la
constitution n’établissait pas de manière précise et catégorique
la responsabilité de ceux qui, dans l’exercice de leurs fonctions,
les violeraient, les enfreindraient ou ne les respecteraient pas. La
responsabilité de l’État n’était pas prévue dans ce texte.
La
constitution de la République bolivarienne du Venezuela, au
contraire, qui a été adoptée par le peuple par référendum
constituant, le 15 décembre 1999, et proclamée par l’Assemblée
nationale constituante le 20 décembre de cette même année, établit
à l’article 2 la suprématie des droits de l’homme. C’est sur cette suprématie que se fondent toutes les normes
constitutionnelles. Nous citons ci-après l’article 3 qui dit
textuellement ceci:
«L’État
a pour buts essentiels la défense et l’épanouissement de la
personne et le respect de sa dignité, l’exercice démocratique de
la volonté populaire, la construction d’une société juste et chérissant
la paix, la promotion de la prospérité et du bien-être du peuple et
la garantie de l’observation des principes, des droits et des
devoirs reconnus et consacrés dans cette constitution. L’éducation
et le travail sont les processus fondamentaux pour la réalisation de
ces buts.»
L’article
6 de la constitution affirme que le gouvernement sera toujours démocratique,
participatif, électif, décentralisé, alternatif, responsable,
pluraliste, avec des mandats révocables, y compris celui du Président
de la République.
La
constitution en vigueur au Venezuela consacre les garanties
fondamentales de la personne sans discrimination. Elle stipule de manière
précise que quiconque a le droit, dans les termes établis par les
traités, les pactes et les conventions relatifs aux droits de
l’homme, ratifiés par la République, de déposer des requêtes ou
des plaintes auprès des organes internationaux créés à cette fin,
dans le but de demander la protection de ses droits de la personne.
Elle met ces instruments juridiques qui priment sur le droit interne
dans la mesure où ils contiennent des normes sur la jouissance et sur
le plein exercice des droits de l’homme plus favorables que celles
qu’établissent la constitution et les lois de la République au
rang des normes constitutionnelles. D’autre part, ils doivent être
appliqués immédiatement par les tribunaux et les autres organes du
pouvoir public.
Le texte constitutionnel établit la responsabilité de l’État
en cas de violations des droits de l’homme, l’obligation de punir
les délits commis contre ces droits par des fonctionnaires de l’État,
sans qu’ils puissent invoquer comme excuse qu’ils ont obéi à des
ordres de leurs supérieurs. Il consacre également
l’imprescriptibilité des délits commis contre ces droits. Il établit
le principe de la plénitude hermétique des droits de l’homme et de
leurs garanties. La liste de ces droits, contenus dans la constitution
et dans les accords internationaux, ne doit pas être considérée
comme la négation d’autres droits qui, étant inhérents à la
personne, ne figurent pas expressément dans ces instruments.
Le
Venezuela assume la démocratie comme son régime politique et les
droits de l’homme constituent d’une manière vaste, claire et catégorique
l’essence même de son régime démocratique.
La
proposition que formule le Venezuela d’ajouter un paragraphe au préambule
et de développer davantage les articles de la Charte démocratique
relatifs aux droits de l’homme se fonde sur le fait que la promotion
et la défense de ces droits constituent des objectifs politiques suprêmes
et qu’il faut leur accorder la plus haute priorité.
C’est
pourquoi il propose d’ajouter à la Charte démocratique, dans la
partie du Préambule, un paragraphe qui dirait ceci :
« Réaffirmant
que la promotion et la protection des droits de la personne
constituent une condition
fondamentale pour l’existence d’une société démocratique ».
En
ce qui concerne le chapitre intitulé « Démocratie et droits de
la personne », il propose ceci :
Article
7 (nouveau libellé)
La
démocratie en tant que système politique représentatif et
participatif est une condition incontournable à la jouissance totale
et effective, par les personnes et par les sociétés, des droits de
l’homme, de la justice sociale et des libertés fondamentales,
indispensables à l’épanouissement
de la personnalité et au progrès des peuples.
Article
8 (addenda)
L’exercice
de la démocratie doit assurer pleinement à tous les individus,
la jouissance et l’exercice de leurs libertés fondamentales
et des droits de la personne, comme ils sont définis dans la Déclaration
américaine des droits et devoirs de l’homme, la Convention américaine
relative aux droits de l’homme et le Protocole de San Salvador
traitant des droits économiques,
sociaux et culturels ainsi que dans les autres documents interaméricains
relatifs aux droits de la personne.
Article
9 (nouveau libellé)
Tout
homme ou toute femme sont habilités à déposer des pétitions ou des
plaintes et à rédiger
des requêtes auprès du Système interaméricain de promotion et de
protection des droits de l’homme, conformément aux procédures prévues
à ces fins, pour que soient protégés leurs droits fondamentaux,
universellement reconnus et qualifiés de droits de la personne.
III.
LA DÉMOCRATIE ET LA PARTICIPATION
Deux
institutions reconnues ont réalisé des études, au mois de mai 2000,
sur la démocratie et la politique en Amérique latine.
L’Institut international d’études stratégiques de Londres
affirme dans son rapport : « À de rares exceptions près,
dans la plupart des pays d’Amérique latine, la démocratie n’a
pas répondu aux attentes. Au contraire, elle s’est trouvée associée
à la corruption, à la délinquance et à la violence ».
La Banque interaméricaine de développement (BID), quant à
elle, analyse, dans son Rapport sur le progrès économique et
social, l’apathie des citoyens à l’égard de la politique.
Certains experts, et notamment O’Donnel, considèrent que l’Amérique
latine se dirige vers une sorte de démocratie de délégation,
dans laquelle les citoyens élisent leurs dirigeants mais renoncent à
les contrôler politiquement. Ils n’ont pas le sentiment que leurs
dirigeants parlent en leur nom ou les représentent réellement.
Ce
même rapport indique qu’en Amérique latine les gens soutiennent de
manière généralisée le concept de démocratie mais soutiennent
nettement moins la démocratie sous la forme où elle est pratiquée
dans la réalité.
L’un
des problèmes les plus importants, que souligne le rapport de la BID,
est le faible degré de participation politique des citoyens dans bon
nombre de pays du Continent. C’est pourquoi il nous semble impératif
que les réformes réalisées dans la région accordent toute leur
attention à la participation politique.
De
graves menaces pèsent sur la démocratie et, comme l’affirme la Déclaration
de Québec, adoptée par les Chefs d’État du Continent, elles
prennent des formes diverses.
Pour
être véritable, la démocratie doit se fonder sur la représentation,
la participation et l’intervention de tous les secteurs et non pas
seulement sur des élites peu nombreuses qui concentrent dans leurs
mains – de manière souvent aussi grossière que perverse – le
pouvoir politique et économique.
La
constitution du Venezuela affirme et renforce la validité des partis,
mais elle accorde également une grande importance aux mécanismes de
participation des citoyens dont la source de légitimité réside dans
la souveraineté populaire. Elle consolide les structures d’intermédiation
sans pour autant s’approprier le droit de propriété sur la
souveraineté.
La
démocratie participative – comme l’a expliqué le
gouvernement du Venezuela – n’est pas un concept qui s’oppose à
celui de démocratie représentative, ni une solution de
rechange pour cette dernière. Il est important d’avoir ceci présent
à l’esprit à la lumière de l’affrontement qui a opposé pendant
la guerre froide – aujourd’hui disparue – les concepts de démocratie
représentative et de démocratie populaire. Au contraire,
la démocratie participative présuppose l’existence de la démocratie
représentative et elle coexiste avec celle-ci. En effet, la démocratie
représentative n’est rien d’autre que l’exercice du pouvoir par
le peuple par le truchement de représentants librement élus. Le
choix démocratique de ces représentants est une forme fondamentale
de participation.
Les
processus de participation renforcent également la protection des
droits de la personne, car ces derniers sont la meilleure garantie que
les intérêts et les aspirations profondes du peuple pourront
s’exprimer pleinement.
La
participation renforce, par conséquent, la lutte en faveur des droits
de la personne et de leur application, donnant ainsi à la démocratie
son véritable sens.
Il
ne suffit pas que la démocratie soit représentative,
qu’elle consacre la libre élection des représentants du peuple par
les électeurs. La démocratie doit, nécessairement, être participative,
c’est-à-dire que les citoyens doivent, dans la pratique, avoir
une ingérence dans les décisions qui sont prises par l’intermédiaire
des organisations civiles en prise sur la municipalité, et même
voter lors de référendums et d’autres modalités de consultation
prévues par les constitutions des États. Les citoyens doivent aussi
jouir d’avantages sociaux, et notamment de services publics,
d’offres d’emploi, d’une couverture sociale, de l’accès aux
biens primaires et à tous les niveaux d’éducation et de
perfectionnement, grâce à la participation distributive.
Le
caractère participatif est ce qui donne son contenu d’égalité
et de justice sociale à la démocratie. C’est également lui qui
justifie – en toute vérité – que ce soit le système choisi par
l’OEA ; car il est compatible avec la dignité et le respect de
la personne aussi bien en tant qu’individu qu’en tant qu’être
collectif.
La
démocratie est, intrinsèquement, représentative et participative
et les droits de l’homme sont l’essence même de
celle-ci.
Pour
que la démocratie existe, il ne suffit pas que ceux qui exercent le
pouvoir aient été élus librement. Un système de gouvernement dont
les dirigeants ne sont pas tenus de rendre compte à leurs électeurs
ne peut être qualifié de démocratique.
On
ne devrait même pas discuter de la nécessité d’inclure le concept
de démocratie participative dans la Charte démocratique qui
fait actuellement l’objet d’un examen au sein de l’OEA. Ce
concept est en effet implicite dans un mandat incontournable de
l’Assemblée générale de cette Organisation, imparti par la Résolution
AG/RES. 1694 (1999), adopté à la XXIXe Session ordinaire, tenue à
Guatemala.
Le
concept de démocratie participative a déjà été établi
dans des résolutions et dans des accords fondamentaux, adoptés par
de nombreux pays du Continent américain. À la Xe Réunion ministérielle
du Groupe de Rio-Union européenne, qui s’est tenue à Santiago du
Chili, en mars 2001, les 17 pays qui font partie de cette instance ont
réaffirmé « l’engagement de leurs gouvernements envers la
démocratie représentative et participative, le pluralisme politique
et la pleine participation de
la société civile ».
Le
VIe Sommet ibéro-américain des Chefs d’État et de gouvernement,
qui a eu lieu les 10 et 11 novembre 1996, à Santiago et Viñas del
Mar, Chili, s’était prononcé dans le même sens quand il avait
fait allusion à la « bonne gouvernance propice à une démocratie
efficace et participative ».
Lors
des « Journées d’analyse et de réflexion sur la démocratie
participative », organisées par l’OEA, à la proposition
du Venezuela, l’actuel Secrétaire général de l’Organisation, le
Dr César Gaviria, a prononcé, le 10 avril 2000, un discours
remarquable à la cérémonie d’inauguration. Il y a dit ceci :
« La
clé de la légitimité est la participation. Pour cela, il faut
s’efforcer d’ouvrir de nouveaux espaces pour la participation
citoyenne afin que les décisions prises soient perçues comme
produisant un engagement juste où tous les individus ont les mêmes
possibilités d’intervenir et d’être pris en considération. On
ne parle plus actuellement de la démocratie tout court, mais de la démocratie
participative ou d’une démocratie à participation populaire. Ce
n’est pas un problème de sémantique ni une redondance ni de mots
à la mode. Nous nous trouvons face à une nouvelle conception de la démocratie.
Tout comme Montesquieu a été un révolutionnaire pour son époque,
les inspirateurs de la démocratie participative ont défié les
institutions traditionnelles, pas pour les détruire mais pour en
faire les piliers d’un nouvel ordre politique, plus légitime, plus
respectueux de l’autonomie, des droits et des libertés des
individus, moins inégal et plus juste, ouvert à la coexistence
pacifique de tous les
groupes qui composent une communauté ».
On
déduit facilement de ce qui précède que la démocratie
participative n’est pas un concept qui est défendu et promu
uniquement par le Venezuela. Ou par la Colombie. Ou par le Guyana,
dont le Représentant permanent, l’Ambassadeur Odeen Ishmael, a
prononcé à l’OEA, le 19 juin 2001, un discours doctrinaire dans
lequel il a affirmé : « Même si la démocratie
participative par le biais d’élections libres et impartiales est
digne de louanges, cette démocratie ne doit pas rester statique.
Souvenez-vous, c’est un concept qui existait déjà lors de
l’adoption de la Charte de l’OEA. Il est fondamental que la démocratie
progresse afin d’être plus complète, et d’être non seulement
représentative mais aussi consultative et participative. Avec la démocratie
participative, nous développons les potentialités des gens au niveau
local. C’est une démocratie qui garantit l’exercice, non
seulement des droits civils et politiques mais
des droits sociaux et culturels ».
Abraham
Lincoln, ce grand président des États-Unis, déclarait, avec un sens
philosophique profond, que la démocratie « est le
gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Pour
dire les choses comme elles sont, on peut affirmer que la démocratie
participative constitue un patrimoine commun, une vision nouvelle et rénovatrice
de la démocratie, que la communauté du Continent a faite sienne.
Compte
tenu de l’analyse ci-dessus, le Venezuela propose un nouvel article
relatif à «LA DÉMOCRATIE
REPRÉSENTATIVE ET PARTICIPATIVE » rédigé dans les
termes suivants :
« La démocratie représentative est
renforcée et approfondie lorsque la participation des citoyens est
exprimée de façon permanente et quotidienne.
La démocratie participative constitue par conséquent une
composante inséparable de la vie démocratique et contribue à
l’enrichissement de la démocratie représentative.
IV.
LA DÉMOCRATIQUE, L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT
DURABLE
Les
États du Continent américain ont la responsabilité de protéger
et de préserver les espaces écologiques où vivent leurs citoyens.
La prise de conscience, pleine et entière, de la relation
harmonieuse qui doit exister entre les êtres humains et la nature
engendre une conception démocratique fondée sur des principes éthiques
fondamentaux. La démocratie
se renforce, en tant que système, quand elle met en place des
structures institutionnelles qui garantissent la défense des droits
environnementaux des peuples. Veiller à la protection de
l’environnement et des ressources essentielles : l’atmosphère,
l’eau et le sol, est une obligation inéluctable de l’État démocratique.
C’est à travers lui que la solidarité et la coopération
permettant de relever les défis adverses de la nature deviennent
viables.
Les
changements climatiques provoqués par l’intervention
irrationnelle de l’homme dans la nature ont causé la perte irréparable
de vies humaines, de terribles catastrophes naturelles et ils ont
eu des effets dévastateurs sur les écosystèmes. Les
gouvernements démocratiques sont tenus de faire face, solidairement,
aux problèmes causés par les contingences naturelles.
Faisant
fond sur ces idées, nous suggérons d’inclure dans la Charte démocratique
interaméricaine le texte suivant :
PRÉAMBULE
(nouveau paragraphe)
Reconnaissant
que les efforts visant à promouvoir la démocratie et la stabilité
politique du Continent américain ne sont pas suffisants s’il
n’existe pas un environnement écologique sain qui permette l’épanouissement
intégral de l’être humain.
NOUVEL
ARTICLE (nous
suggérons de l’insérer avant l’article 7, chapitre II)
La
démocratie ne peut être exercée que dans la mesure où existe une
articulation cohérente des droits environnementaux, des droits à
la paix et au développement. Les
pays du Continent américain sont, par conséquent, liés par
l’obligation d’adopter et de donner une impulsion aux politiques
et stratégies qui mènent à un développement durable respectueux
de l’environnement.
V.
LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS DE LA FEMME
La
démocratie exige la reconnaissance de l’unité dans la diversité.
La diversité des sujets sociaux qui composent le peuple : les
hommes et les femmes, les garçons, les filles et les adolescents,
les hommes et les femmes âgés, les hommes et les femmes handicapés,
les descendants d’Africains et ceux appartenant aux ethnies
autochtones. La
constitution vénézuélienne reconnaît cette diversité culturelle,
ethnique, religieuse et linguistique dans son préambule et elle lui
consacre plusieurs articles.
Au Venezuela, nous avons commencé à démocratiser le
langage, pour ce qui est de la parité entre les sexes. La
constitution bolivarienne a été rédigée dans des termes égalitaires
et place sur le même plan la valeur de la femme et celle de
l’homme. Elle accorde au sexe féminin les mêmes attributs que
ceux qui étaient octroyés auparavant au sexe masculin. La
constitution garantit l’égalité des droits et des devoirs au
sein de la famille et valorise la maternité et la paternité
responsables.
L’un des éléments qui font de la démocratie un système
politique, économique et social viable est la création de mécanismes propres à assurer
l’égalité des chances. Ceci signifie élaborer des politiques de
démocratisation du capital qui, en conséquence, entraîneront une
répartition de plus en plus équitable des revenus.
En vertu de ces explications, le Venezuela propose
d’inclure l’article suivant :
NOUVEL
ARTICLE
« La démocratie interaméricaine s’appuie sur le
droit de la personne sur un pied d’égalité.
Voilà pourquoi elle doit garantir l’accès équitable des
hommes et des femmes en créant dans chaque pays les conditions matérielles
et symboliques en vue d’une véritable participation citoyenne de
toutes et de tous.
Un
exercice équitable du pouvoir sera garanti.
Il encouragera la création d’un nouvel ordre dans lequel
les femmes et les hommes bénéficient de chances et jouissent de
droits égaux. »
VI.
LA DÉMOCRATIE ET LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ
La démocratie doit nécessairement remplir une fonction
sociale, basée sur la justice distributive.
Si les droits de la personne sont l’essence même de la démocratie,
des fléaux comme la faim, l’indigence, la marginalité, le chômage
et d’autres sont la négation du système démocratique. La somme
de ces calamités sociales a pour résultat la pauvreté,
qui, dans le monde d’aujourd’hui, atteint des niveaux extraordinaires,
à tel point que, de nos jours, on fait la distinction entre la simple
pauvreté et la
pauvreté absolue.
Les statistiques indiquant le nombre d’êtres humains qui meurent
de faim, sans compter ceux qui souffrent de dénutrition, sont
alarmantes.
Le droit élémentaire de la femme et de l’homme est le
droit de manger, et non seulement de manger, mais de se nourrir.
C’est ce droit qui est à la base du droit à la vie. La démocratie
a l’obligation morale, qui ne saurait être remise à plus tard,
de faire en sorte que personne ne meure de faim. Elle doit faire en
sorte que chacun ait un travail rémunéré qui lui permette de
satisfaire ses besoins primaires d’alimentation et de logement,
les siens aussi bien que ceux de sa famille.
La
pauvreté n’est pas le fait du hasard.
Tel
a été le titre d’une Encyclique papale, il y a quelques années
déjà. Et elle n’est
pas le fait du hasard, parce qu’elle est le résultat des inégalités
et des injustices sociales, non seulement à l’échelon national
mais international. À vrai dire, la brèche qui séparait les pays
pauvres et les pays riches s’est aggravée avec le lourd fardeau
de la dette
extérieure, qui
est le nouveau nom de l’injustice, une des manières les plus
perverses de dénier les droits
de l’homme, une
façon d’exercer une domination sur les nations qui, voulant
s’acquitter de leur obligation de rembourser cette dette – une
punition, sans aucun doute – ne peuvent mettre en oeuvre des
solutions contre la pauvreté. C’est ce qu’on appelle par euphémisme
le
coût social de la dette extérieure.
Aucune situation ne conspire davantage contre la démocratie
que les énormes différences sociales. La pauvreté, l’exclusion,
le racisme, les injustices sociales et économiques sont les vrais
ennemis de la démocratie. Pour avoir une démocratie stable, il
faut avoir atteint un développement économique et social équitable,
avoir amélioré, y compris par défi éthique, le niveau de vie de
la grande majorité de la population et avoir réduit les
injustices. La faim, l’impossibilité d’avoir accès à l’éducation,
à la santé, d’avoir un logement à soi, le chômage, la
marginalisation de la majorité des gens du processus décisionnel
sont, entre autres, des situations poignantes qui, dans les faits,
sont la négation de la démocratie.
On
peut affirmer catégoriquement que la démocratie sans justice
sociale n’est pas la démocratie.
La
pauvreté constitue une véritable menace pour le système démocratique
interaméricain. Les profondes inégalités sociales portent
atteinte aux droits fondamentaux de larges groupes d’êtres
humains qui les pâtissent ; elles encouragent la violence et déstabilisent
l’ordre public. La pauvreté empêche bon nombre d’enfants
d’aller à l’école ; elle est responsable du fait que de
nombreux adolescents abandonnent les instituts d’enseignement
moyen et que de nombreux groupes humains soient poussés vers le
monde ténébreux de la délinquance. Le chômage et la faim sont
sources de vices et de dramatiques inadaptations sociales. Dans un
tel milieu, l’individu s’avilit, perd toute estime de soi-même,
méprise les valeurs morales, les considérant sans utilité aucune
pour la satisfaction de ses besoins ; en définitive, il
cultive un ressentiment social qui sape les bases du système démocratique,
puisque celui-ci n’offre pas de solutions à ses besoins.
La
société privée Latinobarómetro, qui réalise, depuis
1995, des sondages d’opinion dans 17 pays de la région, a mené récemment
une enquête dont les résultats sont inquiétants :
« En
Amérique latine, l’appui à la démocratie enregistre une chute
sans précédent, associée en grande partie aux effets de la crise
économique internationale.
Le
sondage révèle que l’appui des Latino-américains à la démocratie
a baissé de douze pour cent, passant de 60% en l’an 2000 à 48%,
alors que leur satisfaction est passée de 37% à 25%.
Marta
Lagos, la directrice de Latinobarómetro, explique que les
gens jugent la démocratie en fonction des performances économiques
de leur pays et que tant que la crise internationale déstabilise
les économies nationales, le système démocratique « continuera
à être instable ».
Face
à la pauvreté, où sont les droits de la personne ? qu’en est-il
du système démocratique ?
Quand
on voit les niveaux élevés de pauvreté qui sévissent dans de
nombreux pays, on ne peut que reconnaître, en toute sincérité,
que la démocratie n’a – dans bien des cas – qu’un faible
contenu de justice, ce qui la relativise et l’annule dans de
nombreux aspects.
La
démocratie et la justice sociale doivent aller de pair.
Si
les beaux principes sur lesquels repose la démocratie deviennent
inapplicables, la démocratie – indubitablement – pourrait bien
succomber. C’est pourquoi les gouvernements et les organismes
internationaux du Continent ont, de toute urgence, le devoir inéluctable
de lutter efficacement contre la pauvreté.
Les
pays développés sont, moralement, encore plus liés par
l’obligation de cultiver la solidarité universelle en effaçant
au moins une bonne partie de la dette extérieure et en participant
à la reconstruction de l’économie mondiale sur des bases de
justice sociale internationale.
La
pauvreté et la démocratie sont aux antipodes.
En
ce qui concerne la question de la pauvreté, le Venezuela propose
ceci :
NOUVEL
ARTICLE
« La
pauvreté continue d’être le plus grand défi auquel doivent
faire face les nations des Amériques parce qu’elle porte atteinte
à la stabilité démocratique, retarde le progrès social et économique
et sape la confiance dans l’avenir, particulièrement chez les
jeunes.
Les
gouvernements démocratiques et les institutions du Système interaméricain
sont engagés, sur les plans politique et éthique, à apporter des
contributions résolues en vue de la combattre.
Dans cette perspective, ils doivent encourager des politiques
sociales urgentes, courageuses et prioritaires sociales, au risque
de l’effondrement du système démocratique lui-même dans
certains pays».
VII.
LA CLAUSE DÉMOCRATIQUE
La
Charte démocratique interaméricaine sera le document le plus
important qu’ait adopté les pays du Continent américain depuis
l’entrée en vigueur de la Charte de l’Organisation des États Américains
(OEA), qui date de 1948. Elle sera un document-doctrine
sur la démocratie, qui contribuera à la défense et au renforcement de
celle-ci. Son entrée en vigueur constituera un jalon fondamental du
processus, long et contradictoire, qui a permis à la démocratie d’être,
aujourd’hui, le système de gouvernement choisi par les 34
pays qui composent l’OEA.
Le Venezuela estime que la Charte démocratique interaméricaine
est une nécessité péremptoire dans les circonstances historiques
actuelles. Chaque jour il est démontré que la démocratie est la
forme de gouvernement qui s’adapte le mieux aux traditions
libertaires et justicières. Mais il ne faut, en aucun cas,
sous-estimer la possibilité que surgissent de nouvelles dictatures ou
des régimes autoritaires – qui sont aujourd’hui en débandade.
L’expérience historique de notre Continent montre que, alors
que certains pays vivaient depuis longtemps en démocratie et étaient
considérés comme des gouvernements démocratiques modèles, des
dictatures criminelles et des régimes autoritaires qui ont terni le
paysage démocratique se sont installés sur leur sol, instaurant des
formes de gouvernement incompatibles avec la liberté et la dignité
humaine.
Bien qu’il existe un consensus général, à l’échelon
continental, à propos des bienfaits de la démocratie, la possibilité
que surgissent à nouveau, dans la région, des régimes qui annulent,
dans la pratique, les nobles principes sur lesquelles elle se fonde,
n’est pas à écarter, ni même
– comme cela est déjà arrivé – que des gouvernements
d’origine démocratique, arrivés au pouvoir par le scrutin
populaire – abandonnent la voie démocratique et se mettent en marge
de celle-ci.
Voilà pourquoi les Représentants permanents près l’OEA
discutent actuellement une clause démocratique,
qui a le soutien du gouvernement du Venezuela, visant
à renforcer et à consolider les institutions démocratiques, la
culture démocratique, et surtout à faire de la démocratie une réalité
et non pas une simple liste de principes – fort louables, certes –
mais qui restent abstraits pour la plupart des citoyens.
Les régimes autoritaires et dictatoriaux ont fait l’objet
d’un questionnement général à l’échelle du Continent et la
seule possibilité qu’ils reviennent au pouvoir dans des espaces
politiques du Continent suscite, à juste titre, des appréhensions.
La culture démocratique – il est dur de le reconnaître – ne
s’est pas installée complètement et définitivement dans nos sociétés.
C’est pourquoi il faut mettre en marche tous les mécanismes qui se
révèleraient nécessaires pour la défendre et la promouvoir. Des réminiscences
de l’autoritarisme – dont les racines remontent à l’époque
coloniale – sont encore présentes dans la sociologie de certains
peuples. C’est pour cette raison que nous devons nous réjouir du
mandat de Québec, approuvé par les Chefs d’État des Amériques,
demandant l’élaboration d’une Charte démocratique.
Le
gouvernement du Venezuela encourage pleinement et de diverses manières
la culture démocratique. Au Venezuela, nous vivons actuellement un véritable
processus démocratique. Un processus qui, en essence, est
antiautoritaire, qui donne au peuple, dans toutes ses composantes, le
rôle principal réservé auparavant aux quelques petits groupes
politiques et économiques qui ont dilapidé, avec voracité, le
patrimoine de tous les Vénézuéliens. Le gouvernement accorde une
attention particulière aux politiques sociales destinées à
triompher de la pauvreté, qui touche la majorité de la population.
Le
Venezuela estime que la Charte démocratique interaméricaine doit
entrer en vigueur dans les plus brefs délais. Il considère également
que cet instrument doit être compatible avec la Charte de l’OEA et
développer et perfectionner, à la lumière des nouvelles réalités
du Continent, la Résolution 1080 et le Protocole de Washington. Il
s’agit, c’est clair, d’examiner les situations où peuvent se
produire une altération ou une rupture fondamentales du système démocratique,
sans qu’il s’agisse nécessairement des coups d’État
traditionnels.
Les
faits récents démontrent que, lorsque la communauté du Continent
agit avec fermeté, la démocratie peut être protégée, quand elle
est en danger, ou qu’elle peut être restaurée quand on lui a porté
atteinte.
Le
Venezuela a signé et appuie les clauses
démocratiques qui
existent déjà dans la communauté des Amériques, à savoir dans la
Communauté des pays andins, dans le Groupe de Rio, dans le MERCOSUR
dont il a demandé à être membre. Le Venezuela, par conséquent,
veut contribuer à ce que la clause démocratique que contiendra la
Charte démocratique soit suffisamment claire et catégorique pour
faire office de mécanisme de dissuasion pour ceux qui seraient tentés
par l’autoritarisme et pour déclencher des mécanismes
d’exclusion contre ceux qui auraient enfreint ou violé la démocratie
ou lui auraient porté atteinte dans l’un des pays du Continent américain.
Si
la clause démocratique est claire
et transparente, elle
recevra le soutien unanime de tous les pays. Le Venezuela se joint à
ce consensus. Ce qu’il faut éviter c’est que les ambiguïtés
terminologiques servent de bouillon de culture, à l’avenir, à des
interprétations capricieuses des articles qui pourraient être adoptés.
Dans
le but de contribuer à ce que la clause démocratique prenne en
considération les nouvelles situations antidémocratiques qui ont déjà
eu lieu et celles qui pourraient se produire à l’avenir, le
Venezuela présente la proposition suivante :
Article
12 (nouvel article)
« Tout
membre de l’Organisation dont le gouvernement démocratiquement
constitué est renversé par la force peut être frappé de suspension
de son droit de participation aux Sessions de l’Assemblée générale,
à la Réunion de consultation, aux Conseils de l’Organisation et
aux conférences spécialisées, aux commissions, groupes de travail
et autres organes créés à l’OEA.
On
estimera qu’il s’est produit une situation équivalant au
renversement par la force d’un gouvernement démocratiquement
constitué, lorsque se produisent une altération ou une violation de
la Constitution qui éliminent, dissolvent, modifient ou remplacent
l’un quelconque des pouvoirs dûment constitués de l’État au
moyen de procédures de fait contraires à la Constitution nationale
de l’État membre. »
VII.
LA CHARTE DÉMOCRATIQUE: EST-ELLE UNE RÉSOLUTION OU UN
PROTOCOLE PORTANT MODIFICATION?
Le
gouvernement du Venezuela veut établir clairement sa position à l’égard
de la nature juridique de la Charte démocratique interaméricaine.
Sera-t-elle une résolution ou bien un protocole portant modification
à la Charte de l’OEA ? Le nouvel article 12, proposée par le
Venezuela, pourrait, compte tenu de sa précision et de sa rigueur,
contribuer à dégager un consensus.
Cet article pourrait constituer une interprétation
consensuelle de l’article 9 de la Charte de l’OEA. Dans ce cas, il
ne serait pas nécessaire de faire appel à un protocole portant
modification de cet instrument, ce qui nous ferait gagner le temps
considérable qu’exige la modification d’un traité, comme la
Charte de l’OEA.
Si
nous voulons disposer d’un instrument qui ait force obligatoire et
entre en vigueur immédiatement – comme le souhaitent tous les
gouvernements des Amériques – la voie rapide pour y parvenir est de
donner une interprétation exhaustive de l’article 9 et des autres
articles ayant trait à la Charte de l’OEA dans une Résolution de
l’Assemblée générale, adoptée à l’unanimité.
Une résolution de l’Assemblée générale ne peut pas
modifier la Charte de l’OEA et, en cas de contradiction entre les
deux instruments, il faudrait appliquer la Charte de l’Organisation.
L’interprétation de la Charte de l’OEA
incombe aux États membres. Une interprétation par consensus a
force obligatoire.
IX.
AUTRES MODIFICATIONS OU ADDENDA
Dans le
préambule :
PRENANT
EN COMPTE que les clauses démocratiques actuelles figurant dans les mécanismes
régionaux et sous-régionaux expriment les mêmes objectifs de défense
et de promotion de la démocratie que la clause démocratique
adoptée par les chefs d’État et de gouvernement au Québec;
Paragraphes
du dispositif :
Article
1
Les peuples des Amériques ont droit à la démocratie et
au développement progressif de celle-ci.
Article
2
La
démocratie représentative et participative est le système
politique des États qui font partie de l’Organisation des États Américains
et sur lequel s’appuient leurs régimes constitutionnels et l’État
de droit.
Article
3
Sont des éléments constitutifs de la démocratie représentative
la tenue d’élections libres et justes comme manifestation de
la souveraineté populaire, l’accès au pouvoir par des moyens
constitutionnels, le régime plural de partis et d’organisations
politiques, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, y compris la liberté de la presse et des autres
moyens de communications.
Article 5
La solidarité et le renforcement de la coopération interaméricaine
pour le développement intégré et particulièrement la lutte contre la
pauvreté, spécialement la pauvreté absolue constituent des éléments
fondamentaux de la promotion et de la consolidation de la démocratie
représentative et sont une responsabilité commune et partagée des
États américains.
Article 11
Lorsque se produisent dans un État membre des situations
susceptibles d’avoir des incidences sur le déroulement du processus
politique, institutionnel et démocratique ou sur l’exercice légitime
du pouvoir, le Secrétaire général peut, avec le consentement du
gouvernement concerné, effectuer des visites et mener d’autres démarches
en vue d’analyser la situation. Le Secrétaire général soumet un
rapport au Conseil permanent qui effectue à son tour une évaluation
collective de la situation pour adopter, le cas échéant, les mesures
préventives visant à la préservation et au renforcement des
institutions démocratiques.
Article 13
Dans le cas où se produiraient des actes qui entraînent une
interruption brusque ou irrégulière du processus politique,
institutionnel et démocratique ou de l’exercice légitime du
pouvoir par un gouvernement démocratiquement élu dans l’un
quelconque des États membres de l’Organisation, l’État
affecté, un État membre ou le Secrétaire général peuvent demander
la convocation immédiate du Conseil permanent afin de procéder à
une évaluation collective de la situation. Celui-ci convoque, en
fonction des circonstances, une Réunion de consultation des
ministres des relations extérieures ou une Session
extraordinaire de l’Assemblée générale dans un délai de dix
jours en vue de l’adoption des décisions jugées appropriées en
vertu de la Charte de l’Organisation, du droit international et des
dispositions de la présente Charte démocratique.
Article 14
Lorsque la Réunion de consultation des Ministres des
relations extérieures ou la Session extraordinaire de l’Assemblée
générale établissent qu’il s’est produit une interruption
inconstitutionnelle du processus démocratique dans un État membre,
conformément à la Charte de l’OEA, elle statue sur ce point par le
vote affirmatif des deux tiers des États membres. Cette détermination
comporte la suspension du droit de participation de cet État à
l’OEA. [Cette situation comporte la suspension du droit de
participation de cet État au processus des Sommets des Amériques].
La suspension prend effet immédiatement. L’État membre
suspendu devra continuer à respecter ses obligations envers
l’Organisation, notamment celles qui concernent les droits de
l’homme.
Article
16
Tout
État membre ou le Secrétaire général peut proposer à la Réunion
de consultation des Ministres des
relations extérieures ou à l’Assemblée générale de lever la
suspension. Une telle décision est prise par le vote affirmatif des
deux tiers des États membres, conformément à la Charte de l’OEA.
Le Venezuela fera, au cours du débat qui va commencer, de
nouveaux apports à la Charte démocratique interaméricaine, au fur
et à mesure qu’elle sera examinée, article par article.
DÉCLARATION
DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE
DU VENEZUELA, LUIS ALFONSO DÁVILA, DEVANT LA XXXIe ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS, QUI S’EST
TENUE À SAN JOSÉ DU COSTA RICA, DU 3 AU 5 JUIN 2001
Monsieur
le Président,
Monsieur
le Secrétaire général
Mesdames
et Messieurs les Ministres des affaires étrangères,
Puisque mes propos sont en étroite relation avec le fond de la
question qui fait l’objet de notre examen, permettez-moi d’occuper
quelques minutes de votre temps et de votre attention.
Le Représentant permanent du Venezuela près l’OEA,
l’Ambassadeur Jorge Valero, qui est non seulement un diplomate mais
un historien, a mené des recherches intéressantes dans les procès-verbaux
qui prennent acte des moments fondamentaux de notre organisation
continentale. Il y a trouvé des informations extrêmement importantes
sur l’origine de la définition de la « démocratie représentative »,
qui figure dans la Charte de l’OEA.
C’était l’époque de la neuvième Conférence interaméricaine,
qui s’est tenue à Bogota, du 30 mars au 2 mai 1948.
À ce moment, la guerre froide déterminait
l’affrontement politique. La lutte contre le communisme était
la principale préoccupation des dirigeants du Continent pendant les
années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale. Au communisme, on
opposait des idéologies nourries de libéralisme politique. Et aux
« démocraties populaires », qui étaient le modèle
autoritaire des Soviétiques, on opposait le concept des « démocraties
représentatives ».
Au
cours des débats cruciaux qui se sont déroulés, les participants de
la Conférence ont examiné successivement tous les principes que
devait contenir la Charte de l’OEA. Les diplomates de l’époque
ont procédé à la définition des attributs et des caractéristiques
qui constitueraient le descriptif de la démocratie continentale.
C’est à ce moment-là que le Représentant de Cuba, Ernesto Dihigo,
propose d’ajouter au mot « démocratie » le
qualificatif « représentative ». Et cette
proposition a été adoptée par les membres de la sous-commission qui
étudiait cette question.
Mais un autre élément de la plus grande importance a été
consigné dans le procès-verbal de la réunion :
« La sous-commission a décidé que ce dernier mot
serait supprimé si, ultérieurement
les délégations parvenaient à un accord sur une définition
pertinente de la démocratie ».
Monsieur
le Président,
Au nom de la démocratie représentative, bien des
crimes ont été commis par le passé. En des temps funestes lorsque
des dictatures militaires sanguinaires s’installaient à l’OEA.
Les circonstances – Dieu merci – ont changé. Les gouvernements démocratiques
règnent dans notre Continent. La guerre froide n’existe
plus. C’est pour cette raison que l’OEA vit actuellement une
nouvelle époque historique. La démocratie représentative –
comme nous l’avons signalé – a été incorporée à la Charte
originale de l’OEA. Et malgré les amendements dont cet instrument a
fait l’objet, au fil des ans, cette définition reste inaltérable.
Monsieur
le Président,
Depuis 1948, notre Continent a connu des formes de gouvernement
contrastantes : des démocraties qui font naître l’espoir et
des autoritarismes tyranniques ; des gouvernants sages et tolérants
et des dictateurs corrompus et criminels.
La démocratie représentative contient, aujourd’hui,
dans les définitions qu’en donne notre doctrine continentale, des
principes et des valeurs auxquels il est impossible de renoncer et
sans lesquels la démocratie n’est qu’une fiction : le vote
populaire, l’alternance au pouvoir, l’autonomie des pouvoirs
publics, le pluralisme politique et culturel, le respect des droits de
la personne et des libertés fondamentales.
La démocratie nous a coûté, à nous, Vénézuéliens, bien
des souffrances et bien des sacrifices. C’est pour cette raison que
la démocratie est l’utopie possible qui illumine nos espoirs de rédemption
sociale.
La lutte menée pour la défendre et la perfectionner, pour en
faire une réalité, est un objectif auquel le gouvernement présidé
par Hugo Chávez ne saurait renoncer. Voilà ce qui explique notre
insistance pour que la démocratie ait un caractère participatif. La
démocratie sans participation est une chimère.
La démocratie idéal, selon le professeur Ronald Pennok, de
l’Université de Princeton, c’est :
« le gouvernement par le peuple où la liberté, l’égalité
et la fraternité sont garanties au plus haut degré ».
La recherche de ces objectifs inspire nos combats, nourrit nos
rêves. Notre constitution, à l’article 6, dit ceci :
« Le
gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela et des
organes politiques qui le composent est et sera toujours démocratique,
participatif, électif, décentralisé, alterné, responsable,
pluraliste et leurs mandats sont révocables » .
Nous estimons que la démocratie participative est
l’un des éléments essentiels de la doctrine démocratique
continentale.
La démocratie sans la participation du peuple dans toutes ses
expressions n’est pas la démocratie. La démocratie, pour être véritable,
doit également avoir un contenu social avancé. La démocratie sans
justice est une mascarade. Imprégner la démocratie de participation,
voilà un défi fascinant à relever.
Monsieur
le Président,
Nous voulons être clairs et catégoriques afin d’éviter
toute confusion : nous n’opposons pas la démocratie
participative à la démocratie représentative. Celle-ci n’est pas
une alternative à celle-là. Il s’agit d’un faux dilemme, car
elles se complètent l’une l’autre. La représentation et la
participation sont des composantes indissolubles de la démocratie. La
démocratie représentative est l’exercice du pouvoir par le peuple,
par l’intermédiaire de représentants librement élus. Le libre
choix de ces derniers est une forme fondamentale de participation.
Mais il ne suffit pas.
Le
Venezuela prévoit actuellement d’élargir les libertés démocratiques,
d’étendre les frontières de la liberté. Les transformations démocratiques
et pacifiques qui se sont produites ces dernières années dans mon
pays sont un véritable exemple d’exercice démocratique. De
participation populaire. Le processus d’élaboration de la nouvelle
constitution qu’a connu mon pays a été une expression suprême de
la démocratie participative.
En
outre, 21 constitutions du Continent consacrent expressément le
principe de la participation des citoyens. L’entrée remarquée de
la démocratie participative dans les constitutions du
Continent est due à la nouvelle constitution colombienne, qui a précédé
dans ce domaine la constitution bolivarienne du Venezuela.
Monsieur
le Président,
La démocratie est perfectible. Luttons pour son renouvellement.
La fin de la guerre froide a donné une bouffée d’oxygène
aux milieux démocratiques. La démocratie peut élargir ses
possibilités comme elle ne l’a encore jamais fait.
C’est pourquoi nous avons souligné – avec une détermination
particulière – la nécessité d’inclure dans la Charte démocratique
interaméricaine la démocratie participative.
Pour que la démocratie existe, il ne suffit pas que les
gouvernements aient été élus par des élections libres, car un
gouvernement dont les dirigeants ne sont pas responsables devant leurs
électeurs ne peut être qualifié de démocratique. Les exemples
abondent de régimes où les dirigeants, tout en étant le fruit d’élections,
marginalisent et oppriment la population et où les ressources du
pouvoir sont monopolisées par quelques-uns. Il ne peut pas, non plus,
y avoir de démocratie sans un respect total des droits de la personne.
On ne peut considérer comme une vraie démocratie représentative
un régime qui se limiterait, uniquement, à appliquer la procédure
du scrutin mais qui, pendant tout son mandat constitutionnel,
escamoterait la participation des communautés dans la gestion des
affaires publiques et ignorerait les droits sociaux et [les droits ]
des secteurs les plus déshérités.
La démocratie qui ne respecterait pas le principe de
participation et qui ne répondrait pas aux demandes sociales de la
population est condamnée, tôt ou tard, à affronter une crise de légitimité
insoluble qui pourrait bien ramener l’horloge de l’histoire aux régimes
de fait ou bien, et cela serait tout aussi lamentable, à discréditer
le concept de démocratie représentative.
Ces dernières années, des progrès indéniables ont beau
avoir été réalisés, dans les Amériques, si nous procédons à un
examen général de l’histoire récente, nous verrons, malgré tout,
que le bilan social des démocraties représentatives est
désastreux. C’est pour cela qu’une immense majorité de la
population s’interroge, à juste titre, sur la vraie signification
de la démocratie.
Il
faut non seulement promouvoir la croissance économique mais, en
outre, créer les conditions nécessaires pour que les fruits de cette
croissance puissent bénéficier à toute la population, conformément
aux principes d’équité et de justice sociale.
Monsieur
le Président,
La
promotion de la démocratie participative est une obligation
impérative de notre époque. La démocratie participative complète,
renforce et élargit la démocratie représentative, sur la base du
pluralisme politique, de l’exercice de la souveraineté par le
peuple, de l’alternance du pouvoir, du régime plural des partis et
organisations politiques, du respect des droits de la personne et des
libertés fondamentales.
Monsieur
le Président,
Permettez-moi
de réitérer que, lors de la Xe Réunion ministérielle du Groupe de
Rio-Union européenne, qui s’est tenue à Santiago du Chili, à la
demande du Venezuela, les 19 pays qui composent ce Groupe ont décidé,
par le truchement de leurs Ministres des affaires étrangères, de
promouvoir la démocratie représentative et participative, le
pluralisme politique et la pleine participation de la société
civile.
Dans
le cadre de XXIXe Assemblée générale de l’OEA, le 8 juin 1999,
qui s’est tenue au Guatemala, les Ministres des affaires étrangères
ont décidé, également sur une proposition du Venezuela, de
renforcer les mécanismes démocratiques de la région et de se livrer
à une analyse et à une réflexion en profondeur sur la démocratie
participative. Pour ce faire, ils ont tenu compte de
l’Engagement de Santiago et de la Déclaration de Nassau qui établissent
que la pauvreté absolue et les inégalités économiques et sociales
s’opposent à la consolidation de la démocratie.
Nous
espérons que cette décision de l’OEA sera exécutée dans sa
totalité. Notre Représentant permanent à Washington y veillera.
Monsieur
le Président,
Un vaste consensus s’est dégagé quant à la nécessité de
rédiger la Charte démocratique interaméricaine. Un débat
constructif sur le perfectionnement et la protection de la démocratie
dans le Continent est prévu. Nos observations critiques sont inspirées,
à tout moment, par un esprit d’édification, de défense de notre
ferme engagement en faveur de la démocratie. À l’instar d’autres
pays, nous estimons qu’il faut engager les consultations nécessaires
auprès de la société civile, des experts et des secteurs spécialisés.
Nos systèmes constitutionnels, la Charte de l’OEA, les protocoles
et les autres instruments interaméricains doivent servir de cadres
conceptuels à l’adoption de la Charte démocratique interaméricaine.
Le Venezuela invite tous les secteurs, sans exception, à apporter
leurs contributions en vue de solidifier la volonté unitaire du
Continent. L’accord auquel nous sommes parvenus permettra que les
observations et les contributions qui seront présentées et étudiées
le soient en toute liberté. Il s’agit en effet d’élaborer un
document d’une importance cruciale.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, faisant fond sur les
raisons et les considérations susmentionnées, je réitère la
demande formulée par ma Délégation d’incorporer le concept de démocratie
participative comme faisant partie intégrante de la définition qui
figurera dans la Charte démocratique interaméricaine qui, après les
consultations mentionnées ci-dessus, sera soumise pour approbation à
l’Assemblée extraordinaire de l’OEA. Et ce, indépendamment des
propositions et des observations que nous présenterons par la suite
afin d’améliorer au maximum cet instrument, qui est fondamental
pour la défense de la démocratie continentale. En formulant cette
demande au sujet de la démocratie participative, nous voulons
être en harmonie avec les valeurs supérieures qui figurent dans la
Charte de l’OEA.
Permettez-moi donc, Monsieur le Président, de vous remettre
cette Déclaration afin qu’il soit pris acte de la position de mon
pays. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir l’incorporer aux
procès-verbaux de cette Assemblée.
Je vous remercie.
INTERVENTION
DE L’AMBASSADEUR JORGE VALERO,
REPRÉSENTANT
PERMANENT DU VENEZUELA
PRÈS
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
Washington,
le 21 mai 2001
Monsieur
le Président,
Permettez-nous de louer la dignité de ce débat. De nous réjouir
du fait qu’aujourd’hui nous engageons l’un des débats les plus
pertinents qui se soient déroulés à l’OEA, plus pertinent même
que ceux de l’époque de sa création. Remercions le gouvernement et
la délégation du Pérou, et plus particulièrement l’Ambassadeur
Manuel Rodríguez Cuadros, d’avoir contribuer à promouvoir cette démonstration
de maturité démocratique. Rendons hommage également aux
contributions apportées par des pays comme le Costa Rica – hôte de
la prochaine Assemblée générale -, l’Argentine, les États-Unis
et le Canada qui ont co-parrainé le projet de Charte que nous
examinons maintenant. Félicitons aussi le gouvernement du Mexique et
son Représentant, l’Ambassadeur Miguel Ruiz-Cabañas et le Ministre
des affaires étrangères de l’Uruguay, Didier Opertti Badan, de
nous avoir présenter des textes de remplacement et/ou des réflexions
qui enrichissent notre débat.
Monsieur
le Président,
En ce qui nous concerne, le nom proposé par le Représentant
du Panama, l’Ambassadeur Juan Manuel Castulovich, qui propose
d’appeler le remarquable instrument que nous étudions « Charte
démocratique des Amériques » sonne bien, mais nous n’aurions
pas d’objection s’il se dégageait un consensus en faveur de
l’appellation Charte démocratique interaméricaine.
Rien
que le titre de cet important document souligne la nature
transcendante de son contenu.
Notre délégation, que nous représentons devant cette
instance, au nom du peuple et du gouvernement du Venezuela, que préside
Hugo Chávez Frías, se joint avec grand plaisir à l’exercice de réflexion
créatrice fascinant qui nous engage tous et dont les conséquences
– nous en sommes certains – deviendront des jalons dans
l’histoire de la région.
Nous
vivons des moments inouïs. Nous observons une floraison démocratique
dans un monde qui, avec la fin de la guerre froide, offre des
possibilités fantastiques de progresser dans la voie de la conquête
de nouveaux espaces, encore plus vastes, pour la liberté et la dignité
humaines. Mais, nous vivons aussi des jours dramatiques quand nous
observons la montée de nouveaux conflits de nature politique,
ethnique, territoriale, culturelle, religieuse, qui sapent les
fondements de la paix et la coexistence internationale. Et aussi des
jours infortunés, car la pauvreté est encore une circonstance
tragique qui touche des millions d’êtres humains.
Ce
qui est au coeur de ce débat, c’est le mot « démocratie »
Nous
nous occupons, concrètement, d’évaluer son fonctionnement dans les
Amériques, mettant en lumière ses réalisations incontestables mais
aussi les faillites indéniables de la réalité où elle évolue.
Nous
devrions commencer par cela.
Cherchons,
tous ensemble, à l’unisson, des formes novatrices afin que la réalité
se rapproche des principes démocratiques, dont les plus importants
sont énoncés dans la Charte de l’OEA. Dès la toute première
version, adoptée en mai 1948, on a juxtaposé à la démocratie le
qualificatif de représentative.
Quand
on examine les procès-verbaux qui évoquent les débats de ces
diplomates précurseurs, on constate qu’il s’est dégagé un consensus,
qualifié expressément de provisoire, autour du concept de démocratie
représentative.
La
neuvième Conférence internationale, qui s’est tenue à Bogotá du
30 mars au 2 mai 1948, a servi de cadre à l’adoption de la Charte
de l’OEA. Plus d’un mois de débats fructueux ont précédé
l’adoption de cet instrument-doctrine des Amériques.
Le
Représentant du Panama, Ricardo J. Alfaro, a prononcé, à la séance
du jeudi 22 avril 1948, qui s’est tenue dans le Salon Principal du Capitolio
Nacional, de 15 heures 20 à 19 heures, une phrase
percutante : « La République du Panama – dit-il
– dont le peuple est inébranlablement démocratique, croit que la démocratie
doit être défendue sans sortir de la démocratie »/
La
discussion générale s’est centrée sur l’avant-projet des
premiers chapitres de ce qu’on appelait le Pacte constitutif de
l’OEA. Le Représentant du Pérou, Víctor Andrés Belaunde, a
lancé le débat, à la demande du Président de la Sous-commission A,
Ernestro Barros Jarpa, du Chili.
Le
débat a été consacré à l’examen des principes que devait
contenir la Charte de l’OEA. Le Représentant du Mexique, Francisco
A. Ursúa, a dit que « ... bien qu’on n’inclue pas
d’habitude dans les traités internationaux une énumération de
principes, on pouvait accepter que, dans ce cas précis, une telle énumération
y figure, compte tenu du caractère spécial du pacte qu’on était
en train de préparer »./
La
lecture des procès-verbaux de ces réunions, qui ont précédé
l’adoption de la Charte de l’OEA, est fort intéressante. En
effet, ils décrivent le climat politico-idéologique qui prédominait
aux débuts de la guerre froide.
Les
diplomates de cette époque ont défini les attributs et les caractéristiques
de la démocratie. C’est à ce moment-là que le Représentant du
Cuba, Ernesto Dihigo, propose d’ajouter au mot démocratie
le mot « représentative ». Proposition qui est
accueillie favorablement par les membres de la Sous-commission. Mais
il y a une question qui ne doit pas passer inaperçue et qui est
consignée dans le procès-verbal :
«La
Sous-commission a décidé que ce mot serait supprimé si, ultérieurement,
les délégations parvenaient à un accord sur une définition
pertinente de la démocratie».
La
lutte contre le communisme était la principale préoccupation
des dirigeants du Continent, dans les années qui ont suivi la deuxième
guerre mondiale. Les procès-verbaux que nous analysons montrent avec
une clarté éclatante l’ambiance politico-idéologique dominante.
La guerre froide galvanisait l’affrontement politique.
Au
sein de la Commission d’initiative de la neuvième Conférence
internationale, quelqu’un déclare que « le communisme
international ...
est un instrument
d’agression au service d’intentions impérialistes et constitue
une menace pour leurs institutions libres, démocratiques et républicaines,
et pour leurs propres indépendance et souveraineté.
Au
communisme, les dirigeants du Continent opposaient des idéologies
nourries de libéralisme politique. Et aux « démocraties
populaires », que le léninisme appelle « dictatures
du prolétariat », ils opposaient la « démocratie
représentative ».
En
définitive, la démocratie qualifiée de représentative a été
consacrée dans la Charte originelle de l’OEA, adoptée en mai 1948.
Son article 5, paragraphe D, dit ceci : « La
solidarité des États Américains et les buts élevés qu’ils
poursuivent exigent de ces États une organisation politique basée
sur le fonctionnement effectif de la démocratie représentative ».
Dans
les différentes réformes qu’ a connues la Charte, à savoir le
Protocole de Buenos Aires, en 1967, le Protocole de Cartagenas de
Indias, en 1985, le Protocole de Washington en 1992 et le Protocole de
Managua en 1993, la définition de la démocratie représentative n’a
subi aucun changement.
Ses
principes et valeurs fondamentaux, que tous les gouvernements des États
représentés dans cette salle font leurs, devraient être examinés
à la lumière des nouvelles réalités de notre époque : la
guerre froide n’existe plus, la démocratie en tant que système de
gouvernement s’étend sur tous les Continents, les totalitarismes
anachroniques ont été jetés aux oubliettes de l’histoire,
d’ignominieuses dictatures battent en retraite, les libertés démocratiques
sont en pleine renaissance et expansion, les droits de la personne
sont respectés. Voilà les traits caractéristiques de cette
nouvelle ère.
Monsieur
le Président,
La démocratie nous a coûté, à nous autres, Vénézuéliens,
bien des souffrances et des sacrifices. Notre constitution, qui est le
résultat d’un débat démocratique et participatif, a été adoptée
par référendum. Elle consacre tous les principes les plus avancés
et les plus humanistes que connaisse la civilisation contemporaine
La
démocratie, en tant qu’ensemble de principes, a forgé les plus
grands destins et inspiré la lutte des peuples qui cherchent la paix,
la justice, l’égalité et la liberté dans notre Continent. La démocratie,
en tant qu’utopie, a allumé des espoirs rédempteurs. Les combats
livrés pour la défendre et l’améliorer, la volonté de la faire
pleinement fonctionner, voilà des défis fascinants pour ceux qui se
proposent de faire de la démocratie une réalité. Tel est le grand défi
que doit relever l’imagination créatrice. Car, pour citer les mots
de Blake (Deuxième livre prophétique) : « L’imagination
n’est autre que l’existence de l’être humain ».
Depuis
1948, la route parcourue par l’histoire a été longue et la bonne
gouvernance y a été mise à l’épreuve : des autoritarismes
indésirables et des démocraties qui suscitent des espérances; des
libertés amputées et des conquêtes libertaires. Nous vivons des
jours propices à la réflexion, à l’examen des acquis et des
lacunes.
La
démocratie affronte dans notre Continent de graves menaces qui, comme
l’affirme la Déclaration de Québec, « prennent des formes
diverses ». Pour que la démocratie soit réelle, elle doit se
fonder sur la représentation, la participation et l’intervention de
tous les secteurs et non seulement d’élites peu nombreuses qui
concentrent dans leurs mains– bien souvent d’une manière grossière
et perverse – le pouvoir politique et économique.
Notre
constitution, la bolivarienne, établit que, dans le but suprême de
fonder à nouveau la République, le Venezuela se propose « ...
d’instituer une société démocratique, participative, jouant un rôle
de premier plan, multiethnique et multiculturelle dans un État de
justice, fédéral et décentralisé, qui consolide les valeurs de
liberté, d’indépendance, la paix, de solidarité, de bien commun,
d’intégrité territoriale, de coexistence et de l’État de
droit... »
La
démocratie directe est consacrée à l’article cinq (5) de notre
constitution. Celui-ci dit que la souveraineté réside de manière
incessible dans le peuple qui l’exerce directement, sous la forme prévue
dans le texte constitutionnel et indirectement par le suffrage par
lequel il désigne les membres des organes qui exercent le pouvoir
public.
L’article
soixante-deux (62) garantit la participation du peuple à la
formation, à l’exécution et au contrôle de l’administration
publique, afin d’assurer, par ce moyen, qu’il y joue un rôle de
premier plan, aussi bien individuellement que collectivement.
Le
processus d’élaboration de la constitution a voulu concrétiser les
différentes manières dont le peuple exerce la souveraineté, au plan
politique, pour élire les personnes qui occupent les charges de l’État :
le référendum, la consultation populaire, la révocation des
mandats, l’initiative législative – constitutionnelle et
constituante -, le conseil municipal ouvert à tous, l’assemblée
des citoyens. Et au plan économique et social, il mentionne :
les instances qui s’occupent des demandes des citoyens,
l’autogestion, la cogestion, l’entreprise communautaire et
d’autres formes associatives.
En
ce qui concerne la démocratie locale, la participation des communautés,
les associations de voisinage et les organisations non
gouvernementales jouent un rôle particulièrement important dans la
formulation de propositions d’investissement auprès des autorités
des États et des municipalités.
D’autres
modes de participation prévues sont l’initiative citoyenne pour
l’amendement 341 constitutionnel [sic], l’initiative citoyenne
pour la réforme constitutionnelle 342 constitutionnelle [sic] et
l’initiative citoyenne pour la convocation d’une Assemblée
nationale constituante 348 constitutionnelle [sic].
Notre
constitution consolide et renforce la validité des partis, mais elle
donne la prééminence aux mécanismes de participation des citoyens
dont la source de légitimité réside dans
la souveraineté populaire. Les structures d’intermédiation
sont renforcées mais sans pour autant s’approprier le droit de
propriété sur la souveraineté.
Voilà
pourquoi, le Venezuela juge nécessaire d’inclure le concept de démocratie
participative dans la Charte démocratique. Il s’agit, d’ailleurs,
d’un mandat inéluctable imparti par
l’Assemblée générale de l’OEA, dans sa Résolution
AG/RES. 1684 (1999), adopté à la XXIXe Session ordinaire, tenue à
Guatemala.
Monsieur
le Président,
Au IIIe Sommet des Chefs d’État et de gouvernement, le Président
de la République bolivarienne du Venezuela, Hugo Chávez, a fait des
observations très précises à propos du libellé de la partie
traitant de la démocratie, car le concept de démocratie
participative n’avait pas été inclus dans la Déclaration de
Québec. Il convient, avant toute chose, de rappeler que ce concept a
été énoncé par le Venezuela à l’Assemblée générale de
l’OEA, qui s’est tenue à Guatemala, en 1999.
En premier lieu, il ne s’agit pas d’un concept qui
s’oppose à celui de démocratie représentative ni d’une
contre-proposition à cette dernière. Il est important de garder cela
présent à l’esprit compte tenu des affrontements qui se sont
produits pendant la guerre froide – dont j’ai déjà parlé –
entre les concepts de démocratie représentative et de « démocratie
populaire » . Au contraire, la démocratie représentative présuppose
la démocratie représentative et coexiste avec celle-ci, car la démocratie
représentative n’est rien d’autre que l’exercice du pouvoir par
le peuple par l’intermédiaire de représentants librement élus. Le
libre choix de ces représentants est une forme essentielle de
participation.
Pour
que la démocratie existe vraiment, il ne suffit pas que ceux qui
exercent le pouvoir soient élus librement. On ne peut appeler démocratie
un système de gouvernement où les gouvernants ne sont pas
responsables devant ceux qui les ont élus.
Les
exemples abondent de régimes où les dirigeants, bien que surgis des
élections, marginalisent et oppriment la population et où les
ressources du pouvoir sont monopolisées par les élites. Il ne peut
pas y avoir de démocratie sans le respect des droits de la personne.
Le fait qu’elles aient été élues ne confère pas aux autorités
le droit d’exercer sans limites le pouvoir.
Monsieur
le Président,
Si nous voulons garantir l’efficacité de la Charte démocratique
nous devons nous assurons qu’elle est, sur le plan juridique, en
harmonie avec les traités en vigueur et en particulier avec la Charte
de l’OEA, car un traité ne saurait être modifié par une résolution
ou par une déclaration. Peut-être serait-il
recommandable, à cette fin, de charger les organes
technico-juridiques de l’Organisation de réaliser une étude à ce
sujet.
L’article
neuf (9) de la Charte de l’OEA porte sur le renversement par la
force d’un gouvernement démocratiquement constitué. Dans le
projet de Charte démocratique, on inclut des éléments de la Résolution
1080 et du Protocole de Washington. Il faut employer dans ledit projet
une terminologie similaire à celle de la Charte de l’OEA, afin de
ne pas courir le risque de contrevenir aux dispositions que contient
cet instrument.
Il
faut qu’il soit clair que la faculté de frapper de suspension ne
pourra être exercée que lorsque les démarches diplomatiques
entreprises par l’Organisation se seront révélées infructueuses.
Nous
remarquons également que, alors que ce projet prévoit l’exclusion
d’un État qui se serait écarté de la vie démocratique, il ne prévoit
pas, en revanche, son retour au sein de l’Organisation une fois que
les causes qui ont déterminé sa suspension auront pris fin. C’est
pourquoi la disposition contenue dans le projet de Charte démocratique,
présenté par le Mexique, laquelle établit que la suspension sera
levée par le vote affirmatif de la majorité simple des États
membres est opportune.
Monsieur
le Président,
Nous
voulons faire remarquer que la phrase « toute altération
inconstitutionnelle » qui figure dans la Déclaration de Québec
et qui est reprise dans le projet de Charte démocratique diffère de
la terminologie utilisée aussi bien dans le Protocole de Washington
que dans la résolution 1080.
Il
faut éviter d’employer dans la Charte démocratique des concepts
ambigus ou vagues qui donneraient lieu, à l’avenir, à des
confusions ou à des discussions inutiles qui pourraient paralyser
l’action de l’OEA.
Le
Tribunal suprême de justice du Venezuela, par exemple, a estimé que
le processus constituant originaire est supra-constitutionnel et est
le fondement de la légitimité démocratique, compte tenu précisément
de la souveraineté populaire. D’ailleurs, l’OEA pourrait-elle
devenir l’interprète ou le juge des constitutions des pays membres ?
Monsieur
le Président,
La Charte démocratique doit représenter un pas en avant
fondamental dans le développement de l’OEA et elle mérite bien que
nous lui accordions l’importance qui lui revient. À juste titre, le
Ministre des affaires étrangères de l’Uruguay, Son Excellence le
Dr Opertti Badan dans ses commentaires préliminaires sur le thème
dont nous débattons, affirme « ... nous devrions nous demander
s’il nous ne nous précipitons pas un peu et si l’élaboration
d’un document d’une telle importance ne mériterait pas un examen
plus profond et l’intervention des corps techniques du système,
c’est-à-dire, du Comité juridique interaméricain et du Sous-secrétariat
aux affaires juridiques du Secrétariat général de l’OEA ».
D’autre part, le mandat émané du Sommet des Amériques, qui
figure dans la Déclaration de Québec, charge les Ministres des
affaires étrangères de préparer la Charte démocratique interaméricaine
dans le cadre de la prochaine Assemblée générale. Préparer ne
veut pas dire nécessairement adopter définitivement cet instrument
pendant cette même Assemblée. Nous devons exécuter le mandat en
prenant les mesures nécessaires afin de garantir la réalisation des
buts élevés qu’il poursuit et en menant un processus de
consultation, large et exhaustif, dans tout le Continent.
Dans
ce même ordre d’idées, nous nous permettons de proposer que
l’Assemblée générale de San José convoque une Session
extraordinaire de l’Assemblée générale – espérons qu’elle
pourra avoir lieu au Pérou afin de rendre hommage à la remarquable
initiative du gouvernement de ce pays frère – dans le seul but
d’adopter la Charte démocratique. Cette convocation devrait être
faite dans de brefs délais qui ne pourraient, en aucun cas, dépasser
six (6) mois, car nous sommes tous conscients de la nécessité
d’adopter cet instrument.
Notre
délégation a préparé un Projet de résolution à cet effet,
mais, avant de le présenter, nous voudrions avoir l’occasion de
nous concerter avec les autres délégations.
Monsieur
le Président,
Quand
nous examinerons la Charte démocratique, article par article, notre délégation
apportera les contributions ponctuelles qu’elle jugera nécessaires.
INTERVENTION
DU REPRÉSENTANT PERMANENT DU VENEZUELA
PRÈS
L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS,
L’AMBASSADEUR
JORGE VALERO
Washington,
le 29 mai 2001
Dans
notre intervention du 25 mai 2001, nous avons exprimé la perplexité
du Venezuela à propos du concept « toute altération
inconstitutionnelle » qui figure dans la Déclaration de Québec.
Nous avons indiqué, à plusieurs reprises, qu’il n’y a lieu de
procéder à l’exclusion d’un État membre du Système interaméricain
que lorsqu’on a satisfait à toutes les dispositions de l’article
9 de la Charte de l’OEA. Tout autre critère employé pour exclure
un État membre irait au-delà de ce que prescrit la Charte et il
faudrait, de ce fait, procéder à sa modification. Et on ne pourrait
le faire qu’en suivant les directives qu’établit la Charte elle-même
pour sa modification.
Nous
estimons que le concept « toute altération constitutionnelle »
est ambigu et a besoin d’être précisé. Que veut-on dire par
« toute altération constitutionnelle » ? La seule
interprétation possible est qu’il s’agit d’un coup d’État ;
du « renversement par la force » d’un gouvernement démocratiquement
constitué (article 9 de la Charte de l’OEA). Et ceci se produit,
assurément - comme l’éclaircit
la Résolution 1080 – « lorsqu’ont lieu des faits qui
provoquent une interruption brusque ou irrégulière du processus
politique institutionnel démocratique ou l’exercice légitime du
pouvoir d’un gouvernement démocratiquement élu ». Qui détermine
que s’est produite une «altération constitutionnelle » dans
un pays ?
Tous
les pays membres de l’OEA sont dotés d’organes juridiques qui ont
pour mission de veiller au respect de la constitution. C’est à eux
qu’il incombe de déterminer que se sont produits des actes ou des
faits qui violent cette constitution. Dans un pays, des « altérations
constitutionnelles » peuvent se produire sans qu’il s’agisse
forcément d’un coup d’État ou d’une « interruption
brusque ou irrégulière du processus politique institutionnel démocratique »
(Rés. 1080). Il ne faut pas écarter non plus la possibilité que le
gouvernement d’un pays ou l’un quelconque des organes du pouvoir
public édictent des lois ou exécutent des actes qui sont ou
pourraient être en contradiction avec la constitution dudit pays.
C’est-à-dire que les autorités elles-mêmes, abusant de leur
pouvoir, commettent ou accomplissent des « altérations
constitutionnelles ».
L’histoire
politique de notre Continent abonde en abus de pouvoirs, en
autoritarismes indésirables, en gouvernements qui violent leurs
propres constitutions. Ce n’est pas le cas du Venezuela, où il
existe un gouvernement dont les actions sont en étroite conformité
avec les normes constitutionnelles en vigueur, qui observe strictement
l’État de droit et respecte la pleine validité des droits de la
personne et les libertés démocratiques. C’est pour cette raison
que la constitution de la République bolivarienne du Venezuela prévoit
des contrôles à l’intention des pouvoirs publics. Elle octroie aux
citoyens le droit, et même, elle institue l’obligation de saisir la
Chambre constitutionnelle du Tribunal suprême de justice lorsque des
« altérations constitutionnelles » se sont produites.
Monsieur
le Président,
La proposition de Clause démocratique présentée par l’Équateur
et le Costa Rica (secondée par le Mexique) est un bon point de départ
pour parvenir à un consensus. Elle précise qu’il y a lieu de procéder
à l’exclusion du gouvernement d’un État membre du Système
interaméricain quand cela se fait « conformément à la Charte
de l’Organisation et au droit international ». La proposition
en question précise la portée de la disposition et éclaircit le
sens du concept « toute altération constitutionnelle ».
Dans cette perspective, la délégation du Venezuela est disposée à
s’associer au consensus.
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